Le Musée Tinguely de Bâle présente Midnight Zone, une exposition multimédia et immersive imaginée par l’artiste franco-suisse Julian Charrière qui nous entraine dans les grandes profondeurs sous-marines, un monde inconnu, essentiel à la survie de notre planète.
Par Dominique BANNWARTH

Midnight Zone de Julian Charrière au Musée Tinguely. Photo DB
« Exprimer par l’art ce que la science ne peut pas exprimer », résume Roland Wetzel, le directeur du Musée Tinguely (*) pour décrire le propos de Julian Charrière que le musée bâlois a invité à investir trois niveaux est une dizaine de salles pour son exposition Midnight Zone.
Le titre évoque la zone de cet univers sous-marin inconnu des grandes profondeurs, continent immergé, située entre 1000 et 3000 mètres sous la surface des océans où disparaît toute lumière.

Midnight Zone – Julian Charrière. Photo DB
Les projets humains de prospection minière sous-marine menacent la préservation de cet écosphère essentielle et présagent d’une véritable catastrophe écologique.
La prise de conscience de cet enjeu passe par une meilleure connaissance de ce monde sous-marin.
Les oeuvres de Julian Charrière nous donnent la possibilité d’entamer cette découverte, à travers des photographies, des sculptures, des installations, des vidéos et des créations sonores.

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Son intention est de nous faire partager ces sensations nouvelles dans l’élément liquide perçu dès lors comme une forme de pensée poétique dont les modulations sollicitent la vue, l’ouïe, le corps traversé par les vibrations sonores des installations.

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L’on pénètre dans ces chambres obscures, comme en immersion dans une pénombre mystérieuse mais habitée par les vestiges d’un naufrage, des êtres aquatiques virevoltant dans un faisceau lumineux comme des lucioles dans la nuit, des montagnes de glace qui se meuvent comme un décor extraordinaire et impressionnant.
Les procédés techniques utilisés par Charrière s’apparentent par moments à un vol de drone au-dessus d’un paysage vallonné.

La lentille de Frehel. Photo DB
L’artiste – qui a réalisé plusieurs plongées et accompagné des missions scientifiques sur le sujet – a choisi de pénétrer dans cette verticalité sous-marine en utilisant une lentille de Frehel qui balaie l’obscurité comme un oeil humain qui soudain aurait accès à ce « trou noir » sous-marin.
A l’instar de cette lumière de phare tournante qui guide les navigateurs vers les côtes, la lentille plongeante de Charrière nous introduit dans le secret de ce monde obscur.
Couché, face aux écrans vidéo, le visiteur peut se laisser glisser dans cette étrange sensation d’un envahissement merveilleux. La magie opère et glisse peu à peu vers une prise de conscience de la beauté de cet écosystème mais se fait rattraper aussi par l’angoissant sentiment que l’homme a déjà commencé à le détruire.

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En quittant le noir profond de la dernière salle, on fait irruption dans un espace violemment éclairé où s’affichent les grandes photographies de Charrière utilisant un chalumeau sur de grands iceberg pour signifier la fonte progressive des glaciers. Geste symbolique, comme une goutte d’eau dans l’océan d’incertitude sur l’avenir de la planète sous le joug du réchauffement climatique…
Midnight Zone résonne dès lors comme un appel… de profundis.
Dominique BANNWARTH
Midnight Zone au Musée Tinguely de Bâle, exposition présentée du 11 juin au 2 novembre 2025