La 56e édition des Rencontres de la photographie d’Arles propose pas moins d’une quarantaine d’expositions dans divers sites de la ville. Un panorama de la photographie contemporaine illustré par 5000 images exposées sur 3000 mètres linéaires de murs.

L’exposition On country à l’église Sainte-Anne.
Photo DB
L’édition 2025 se définit par son titre « L’image indocile ». Comme l’a souligné Aurélie de Lanlay lors de la présentation parisienne de l’événement, l’objectif du festival est de «décrypter le monde et d’ouvrir des fenêtres quand certains ferment des frontières et cherchent à rétrécir des imaginaires ».`
Quelques coups de projeteurs sur certaines expositions…
Par Dominque BANNWARTH
On Country, photographie d’Australie
L’affiche officielle de l’édition 2025 annonce cette intention manifeste d’une forme de résistance. Elle représente un super-héros arborigène de Warakuma, photographié par Tony Albert (Kuku Yalami), David Charles Collins et Kieran Lawson.

On Country, photographie d’Australie.
A l’église Sainte-Anne, l’exposition On Country, photographie d’Australie, illustre cette posture quasi politique avec les images d’artistes autochtones et non-autochtones qui interrogent la relation à cette terre ancestrale, aux institutions issues de la colonisation qui a fait qu’aujourd’hui les arborigènes ne représentent plus que 5 % de la population de l’Australie.

On Country, photographie d’Australie.

On Country, photographie d’Australie.
Route 1, USA

Berenice Abbott. 1954
La Route 1, traverse les Etats-Unis du nord au sud, de la frontière canadienne à la Floride. En 1954, Berenice Abbott choisit de la parcourir, convaincue que cet itinéraire offre « une vision réaliste d’un échantillon représentatif de la vie américaine ».
Elle y rencontre les diverses communautés qui y vivent, y photographie les paysages, la vie quotidienne d’une société américaine qui entre dans l’ère du consumérisme. Ses photos en noir et blanc ne sont pas spectaculaires, très sobres dans les cadrages, les personnes photographiées ne posent pas, et la photographe a gardé son sujet à distance.
Entre 2016 et 2019, deux photographes américaines, Anna Fox et Karen Knorr décident de suivre les traces d’Abbott, pour dresser le portrait actuel de cet axe mois fréquenté que dans les années 50 et « évité » par les autoroutes modernes.

Photo Anna Fox et Karen Knorr
En couleur, ces photos où voisinent des portraits en plan plus serré qu’Abbott, ou des paysages urbains insérés dans une géométrie beaucoup plus typée génèrent une impression de « clichés »‘, de mythologie américaine telle qu’on l’imagine.
Histoires familiales
Les histoires familiales inspirent plusieurs photographes sélectionnés à Arles.
Ainsi, la série Père de Diana Markosian présentée dans l’espace Monoprix, s’avère remarquable.
La photographe américaine d’origine russe y évoque les retrouvailles d’un père qui avait été effacé de la vie de cette famille russe quand la mère décide d’émigrer aux Etats-Unis avec ses enfants et d’abandonner son mari. Markosian a recherché ce père dont le visage a été découpé sur les photos de famille emportées en Amérique.
Le père entreprend durant 15 ans des recherches jusqu’à écrire à Bill Clinton pour retrouver sa fille et son fils. C’est finalement Diana Markosian qui réussit à renouer ce lien filial, et à retrouver son père en Arménie.
Les photos, vidéos et documents qui constituent cette exposition retracent ce retour aux sources paternelles, avec cette parenthèse de temps perdu, en quête peut-être d’une relation à construire dans le présent. Un travail magnifique et émouvant.

La série « Père » de Diana Markosian
Keisha Scarville avec sa série Alma/Mama’s clothes, s’inspire d’une forme de spiritisme pour évoquer sa relation à sa mère décédée.
La figure paternelle est aussi au centre du travail réalisé par Camille Levêque qui livre une véritable « enquête photographique » sur quinze années à la recherche du père.
Le syndrome de Stendhal par Nan Goldin
Aussi appelé « syndrome de Florence », le « syndrome de Stendhal » (*) a inspiré Nan Goldin qui a choisi de faire dialoguer ses photographies avec des images des oeuvres qui l’ont marquée, chefs d’oeuvre classiques, romantiques ou de la Renaissance, lors de visites dans les musées du monde entier.

Le « Syndrome de Stendhal » par Nan Goldin
Les proches de la photographes se muent en personnages de la mythologie (Galatée, Orphée, Hermaphrodite, Diane la chasseresse, Narcisse… ) dans une succession d’images où la plastique d’une sculpture se reflète dans la photo d’un corps, d’un visage, d’une attitude.
C’est très beau et souligné par le texte, la bande sonore et la création musicale. Quarante minutes de réelle beauté.
(*) Le syndrome de Stendhal (ou de Florence) désigne un état de trouble physique et émotionnel très fort suscité par la contemplation d’une oeuvre d’art.
La vie et la mort dans l’objectif de Letizia Battaglia

Photo Letizia Battaglia
A l’instar d’un Weegee et de ses clichés de faits divers new-yorkais, la photographe italienne Letizia Battaglia a « couvert » par l’image les scènes sanglantes des crimes de la mafia dans sa ville natale de Palerme.

Photo Letizia Battaglia
L’exposition d’Arles évoque ces assassinats mais jette aussi un regard plein d’humanité sur les autres victimes de cette violence: les familles, les veuves, les mères de ces victimes de Cosa Nostra.

Photo Letizia Battaglia
Mais ces photographies de reportage d’actualité, réalisées pour le journal L’Ora pour lequel elle travaillait, ne sont pas la seule manière dont Battaglia rend compte de la vie autour d’elle.
Ainsi ses portraits d’enfants dans la rue ou ses images des rites religieux , renvoient à une autre dimension de son rapport au monde.

Photo Letizia Battaglia

Photo Letizia Battaglia
Le film qui accompagne l’exposition permet de comprendre quelle a été la démarche de cette photoreporter qui se bat pour la création d’une école de photographie dans sa ville et entreprend de remettre de la vie dans ses clichés de mort en faisant poser des jeunes femmes en maillot de bain devant des photos où gisent les cadavres des victimes des exécutions mafieuses.

Photo Letizia Battaglia

Photo Letizia Battaglia

Photo Letizia Battaglia

Photo Letizia Battaglia